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Juin 2005
Où l’on se bidonne d’une abracadabrante histoire de balcons tandis que Kathmandou ressemble à Verdun
A Kathmandou, je connais quelqu’un de bien. Il tient un petit hôtel à Chetrapati, pas très loin du Everest steak house, où je descends lorsque je ne travaille pas. Les chambres sont coquettes sans être luxueuses. Nous y étions ce printemps, ma fiancée et moi. Je préparais le circuit sur la vallée de Kathmandou. En mars, les touristes étaient encore rares. L’air était frais et bon. Ce bon monsieur est indien. Je veux dire qu’il vient du sud, de cette plaine du Terai qui ressemble à s’y méprendre à la longue plaine du Gange de l’Uttar Pradesh ou du Bihar. Il porte fièrement sa moustache comme tous les indiens du monde. Il est un peu bavard. A l’entendre, je crois parfois être encore à Montréal, sur un balcon, une bière un peu chaude à la main, à écouter les balcons d’à côté : « C’est scandaleux, disaient-ils, le gouvernement nous vole. Et puis les hôpitaux, une horreur, une véritable horreur… tenez, ma cousine voulait se faire enlever un furoncle sur la fesse… et oui ça se fait… et bien ils l’ont fait attendre une heure complète, mon bon monsieur, une grosse heure de 60 minutes… Ça se fait ça aussi… ? » Et cætera, et cætera. C’est pourquoi sur les balcons les bières sont toujours un peu chaudes.
A Kathmandou, c’est plutôt le thé qui refroidit. Rama me raconte à quel point le gouvernement le vole. : « Ah… la corruption », dit-il en soupirant très fort. Il ajoute la litanie des hôpitaux : « Car voilà, ma femme était malade et le docteur ne lui a rien donné. Il a dit que ça allait passer. Ne rien donner du tout ! Vous vous rendez compte… ». Ce qui le fascine le plus, mon bon ami, comme tous les indiens du monde, c’est la sexualité. Je vous surprends un peu, non ? Dans les pages du petit catéchisme Karavaniers, un tel mot ! Pourquoi pas ? Donc la sexualité. Et surtout celle des autres. Avant, Rama me faisait des clins d’½il aussitôt qu’une fille me parlait. Il était sûr que j’étais le plus chaud lapin du monde (le plus triste c’est qu’il avait complètement tord). Mais plus maintenant. Il n’oserait pas. Je suis presque marié. Je suis presque décent et presque ennuyant. Non, c’est à ma fiancée qu’il parle. Il lui demande des questions aberrantes dont les réponses paraissent l’occuper des jours durant. Par exemple : Fait-elle l’amour avec la lumière (la réponse est oui pour votre information. Voyez, je ne vous cache rien) ? M’embrasse-t-elle seulement sur la bouche (à bien y penser, je vais vous cacher certains trucs) ? A-t-elle des sous-vêtements comme ceux du Népal, c’est-à-dire jaune serin ou bleu piscine et que refuseraient les plus « colorées » de nos grands-mères ? Tout ça. Rama voudrait que je ne sache pas qu’il a parlé à ma copine. Si je lui dis, il devient rouge, dit que « non, non, ce n’est pas lui », qu’il a à faire de toute façon, des budgets (lui!), du ménage (re-lui!). Ce que j’aime des indiens, c’est qu’ils sont comme de grands enfants. Ils se cachent la tête dans le sable et attendent que ça passe. Ce qui me fait dire aussi que la grande leçon de tout cela (s’il y en a une), c’est que pour boire mon thé chaud, il faut que ma fiancée parle d’amour avec Rama.
Sur les balcons, peut-être qu’il suffit que votre femme discute de la couleur de ses caleçons avec le voisin pour boire enfin une bière froide ? Peut-être. Si vous pouviez essayer pour moi, cet été, ça me plairait bien…
Voyage Karavaniers
Népal – Vallée de Katmandou
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