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Sur le chemin de l’Everest
Crédit photo: Karavaniers
Babu Chhiri Sherpa (Everest, 20e siècle)
J’ai un peu hésité à placer ici ce vieil ami trop rapidement perdu. Était-ce bien de l’histoire que je refaisais ou de la nostalgie ? J’ai décidé que ça n’y changeait pas grand-chose.
On croit qu’il faut avoir les yeux perçants et vaguement sombres pour soutenir l’Everest. Mais lui avait un sourire désarmant. On croit aussi qu’il faut des athlètes surentraînés, la taille fine et les bras démesurés, pour s’engager sur ses pentes. Mais lui était bedonnant. C’est pourquoi les légendes sont fausses. On nous présente le Babu disparu comme cet improbable conquérant des cimes, le piolet trop levé, les lèvres closes alors qu’il aimait rire, sérieux à en mourir alors qu’il racontait que son rêve le plus drôle était de se placer, tête en bas, pieds en l’air, sur le sommet du monde. On oublie qu’il n’était aucunement cet occidental venu conquérir une montagne en se battant sur elle mais un porteur de charges pour nourrir sa famille et un tout petit homme devant une divinité supérieure. Bien sûr qu’il portait plus fort et plus haut que les autres. Bien sûr qu’il avait fait dix fois l’ascension, qu’il était alors le plus rapide, qu’il est encore le seul à avoir posé une tente tout en haut pour ne pas vraiment y dormir mais pour attendre (la seule copie jamais faite dort d’ailleurs dans nos bureaux). Bien sûr qu’il est celui qui ne prenait jamais d’oxygène et que l’exploit est titanesque. Bien sûr que grâce à cela quatre grimpeurs dont les bonbonnes s’étaient vidées au point qu’ils attendaient une mort anonchalie et glacée ont pu raconter qu’un sherpa était revenu pour eux, au-dessus de 8000 mètres, avec deux bonbonnes sous chaque bras. Bien sûr.
Pourtant, je crois sincèrement que sa vraie valeur était ailleurs. Il me reste le souvenir de deux images qui lui ressemblent mieux que tous les piolets levés. La première concerne une randonnée vers l’Everest. Quelques mois plus tôt, il avait été mon sirdar – ou plus exactement j’avais été son assistant. Cette fois, il était sur la montagne. Nous arrivions à Gorak Shep, c’est-à-dire au bout de la route. Nous étions fatigué. Or voilà que je remarque une silhouette sur la moraine en direction du camp de base. Et que celle-ci s’approche. C’était Babu. Il était descendu du camp 2, le matin même, dans le seul but de nous offrir du chocolat parce qu’il lui était venu en tête qu’on serait peut-être épuisés d’avoir marché. Quant à lui, il me serra rapidement la main, et repartit aussitôt car il devait regrimper la montagne. L’autre image, je l’ai prise à Kathmandou. Il venait de battre le record de vitesse sur l’Everest. La cité l’attendait, en liesse. Les foules se pressaient sur le bord des routes. Lui était à l’avant d’une camionnette décapotable. Il disparaissait peu à peu sous les écharpes blanches qu’on donne là-bas en guise de fleurs. Je me rappelle surtout qu’il m’avait paru si petit au moment de son triomphe. Si humble. Bien sûr qu’il ne détestait pas qu’on le reconnaisse. Bien sûr qu’il était fier. Mais là, il était plus petit que lui. Minuscule presque. C’était déjà un autre qu’on fêtait. Une statue.
Je n’aurais jamais cru devoir, plus tard, justement fêter l’homme au travers de celle-ci.
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Cher Pascal,
Merci pour ce si beau texte sur Babu; il est empreint d’authenticité.
Je garde de très bons souvenirs de cet homme ainsi que de notre rencontre lors du trek pour le camp de base à l’automne 2000 où tu étais notre guide.
Prend soins.
Patrice Goyer
Pascal,
Tu a su décrire le Babu que j’ai dans ma tête et dans mon coeur et j’avoue avoir eu la gorge serrée en lisant tes mots.
Que de beaux souvenir de ce petit homme au yeux coquins qui grimpait partout et qui… me tapotait les fesses en passant tout souriant et espiègle: une simple marque d’affection.
Je me souviendrai toujours de sa réponse quand je lui ai demandé à quoi il pensait lors de son attente en haut de l’Everest (son record): « à rien…je regardais le paysage et j’attendais le prochain appel radio. »
Il était sur le toit du monde!
Et il restait tout simplement Babu.
Merci Pascal et au plaisir!
Caroline Lebel (trek au camp de base automne 2000)
Pascal,
Je me souviens toujours de ma rencontre avec Babu a Kathmandou (a l’hotel Vaishali et un souper au steak house avec Karavaniers en Mars 2001). J’ai une belle photo avec lui au Vaishali.
J’ai eu les larmes au yeux, sur l’autoroute 13, losque l’on annoncait sa mort a la radio. Un grand homme avec une grande présence. Pourtant, un homme simple et approchable.
Son frere Dawa etait notre guide sherpa. Une rencontre mémorable a son village avec ses enfants et sa femme. J’y suis retourner 2 autres fois au Népal depuis et j’y retournerai encore. J’ai de bons copains qui habitent le village de Babu.
Merci pour les souvenirs de Babu
Guy Brouillette
Mera Peak Mars 2001, Chulu Far East 2004 et Circuit + Sanctuaire Annapurna 2007
Bonjour Pascal,
Tu m’as émue aux larmes avec ton texte qui traduit toute la grandeur de ce petit homme que nous avons aimé instantanément. En te lisant, je l’ai retrouvé tel que je l’ai connu, perçu, deviné. Merci.
Louise Goupil (voyage automne 2000)
Merci Pascal,
Quel plaisir de lire ton texte sur Babu!
Marcher sur la piste en sa compagnie lors du trek à l’automne 2000 fût et demeure encore aujourd’hui pour moi un immense privilège, un merveilleux cadeau de la vie.
Pour moi, Babu c’est l’image du bonheur. La montagne, il la portait en lui, elle se reflétait dans ses yeux, dans son sourire espiègle, dans sa chaleur, dans sa grande générosité et dans sa façon d’être totalement présent à l’autre.
Et merci à toi, cher Pascal, pour ce trek inoubliable.
Carmen Long