Alexandra David-Néel

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Alexandra David-Néel

Impossible de résumer sa vie en quelques lignes… cette rubrique sera donc un soupçon plus longue que d’habitude mais c’est bien un minimum pour raconter plus de 100 ans de vie trépidante où les maitre-mots seront voyage et érudition. Louise Eugénie Alexandrine Marie David, née le 24 octobre 1868 dans la région parisienne, est bien plus connue sous son nom de plume Alexandra David-Néel. Cette femme exceptionnelle au parcours hors du commun laisse songeur, tant de détermination, tant de liberté… et une passion démesurée pour le voyage et la théologie.

Ses premiers voyages naissent de l’art de la fugue qu’elle peaufine dès l’âge de deux ans ! En effet, à deux ans, elle part visiter ce qu’il y a derrière le portail de la demeure familiale et est retrouvée pleurant par ses parents affolés peu après. À cinq ans, elle repart pour visiter le bois à proximité de Paris où elle habite mais se fait rattraper par un garde du Bois qui la ramène, vexée et se promettant de récidiver, jusqu’au poste de police où sa disparition avait été signalée. À 15 ans, alors qu’elle lit les penseurs stoïciens et Epictète, elle a plus de succès : sa fugue l’amène en Angleterre où elle restera jusqu’à l’épuisement de son budget. Enfin, à 17 ans, ce qu’elle considère enfin comme un « vrai voyage » l’emmène en train de Bruxelles où elle réside avec ses parents en Suisse. Après avoir traversé à pied le Saint-Gothard toujours habillée de sa robe à frou-frou et bottines, elle visite les lacs italiens sans un sou et se fait récupérer par sa mère.

L’année suivante, en 1886, elle quitte la Belgique sans rien dire à ses parents et rejoint avec sa lourde bicyclette l’Espagne, en passant par la Côte d’Azur, puis remonte vers Bruxelles via le Mont-Saint-Michel entre la Normandie et la Bretagne, soit… un sacré détour! Serait-elle la première à avoir fait le tour de France de cyclisme féminin sans le savoir?!

Elle revient à Paris où, après des études musicales et lyriques, elle s’oriente vers la philosophie bouddhiste, apprend le sanskrit, suit des cours sur le Tibet et passe son temps dans la salle de lecture du musée Guimet dont elle dit ces propos célèbres : elle « s’attarde dans la bibliothèque d’où des appels muets s’échappent des pages que l’on feuillette. Des vocations naissent… La mienne y est née. ». Elle est donc une férue d’études mais se passionne aussi pour des causes, devient une féministe active, fréquente des sociétés secrètes et côtoie le milieu anarchiste. Durant cette période, sous le pseudonyme de Mademoiselle Myrial, elle écrit des pamphlets pour la libération de la femme, interprète des rôles au théâtre, chante à l’opéra d’Athènes, fait une tournée dans le Tonkin, devient journaliste pour La Fronde, écrit un drame lyrique avec son compagnon d’alors Jean Haustont puis met fin à cette carrière qui ne lui plaisait pas.

En 1890-91, grâce à un héritage, elle part pour la première fois en Inde qu’elle parcourt pendant un an et en est fascinée tant par la magie du pays que par les hauts sommets de l’Himalaya. Sur le chemin du retour, elle s’attarde à Tunis où elle épouse un ingénieur des Chemins de Fer : Philippe Néel. Féministe engagée, elle milite pour que les femmes restant au foyer perçoivent un salaire. Elle donne aussi des conférences sur le bouddhisme et l’hindouisme. Mais le rôle de la femme au foyer ne lui convient pas et son mari le comprend bien. Il lui propose un voyage lointain. Après quelques mois en Angleterre pour maitriser la langue, un passage en Belgique pour voir sa mère et de nouveau à Tunis pour saluer son mari, elle part enfin pour l’Inde. Ce voyage, qui devait ne durer « que » 18 mois se prolongera… 14 ans!

Chargée de mission par le Ministère de l’Instruction Publique, elle traverse les Indes en 1910. Elle y développe son style : le voyage érudit. Elle apprend les langues, se documente, traduit des manuscrits, pratique la méditation, rencontre des sages et des lettrés et assiste à des cérémonies qui lui sont interdites en se travestissant. Elle atteint en 1912 le Sikkim où elle visite les monastères et entre en ermitage.

C’est dans l’un de ces monastère qu’elle rencontre le lama Aphur Yongden, alors âgé de 15 ans. Il deviendra son compagnon de voyage le plus fidèle, la personne qui a sûrement le plus compté pour elle et son fils adoptif qui l’accompagnera toute sa vie.

Puis, de villes en monastères, de vallées en déserts, à pied ou à dos de mule, elle suit ses propres itinéraires avec Aphur Yongden. Alexandra méprise le confort, ignore les défaillances, manque de se faire dévorer par des yogis anthropophages et découvre l’art du « Toumo », qui consiste à supporter les froids polaires en majorant la chaleur de son corps. Au cours de leurs pérégrinations, ils passent par le Japon, la Corée, la Mongolie et la Chine avant de revenir vers l’Himalaya.

Révoltée par l’interdiction qui lui est faite de se rendre dans la capitale du Tibet et après plusieurs tentatives qui se soldent par autant d’expulsions, elle réalise un prodige : au terme d’un parcours de plus de 3 000 km, des mois d’errance à pied, des accidents et des démêlés avec les brigands, des rognures de semelles bouillies comme repas de Noël en 1923, elle devient la première Occidentale à pénétrer dans la cité interdite de Lhassa en 1924. Elle a 56 ans. Pour cela, elle s’est déguisée en mendiante tibétaine mais un excès de propreté la dénonce (elle se rendait tous les jours à la rivière pour se laver). Elle revient vers Gyantzê, troisième ville du Tibet.

Alexandra et son jeune compagnon rentrent en France. Elle se sépare de son mari avec qui elle garde des relations amicales indéfectibles. Elle achète une maison dans les Alpes où elle écrit plusieurs livres (et Yongden également) et fait de longues tournées de conférences. Après 10 ans de cette vie, à 69 ans, elle repart avec son fils vers la Chine, via les grandes capitales européennes et le transsibérien, où ils adoptent de nouveau leur vie d’études et d’errance. La guerre sino-japonaise et toutes les horreurs liées, la mort de son ami et ex-mari, l’absence d’argent, le froid, la famine, etc. la poussent vers l’Inde de nouveau.

À 78 ans, elle revient enfin en France et pose ses malles dans sa demeure des Alpes avec Yongden. Elle y passe son temps à étudier encore et toujours et à écrire. Après une tournée de conférence, elle part à 82 ans, au début de l’hiver, camper sur les bords d’un lac à plus de 2200m d’altitude pour… se reposer! Ce sera sa dernière fugue, ses rhumatismes la faisant souffrir. La mort de son fidèle compagnon, pourtant de 30 ans son cadet la plongera dans la solitude et la nostalgie chronique du Tibet. À 100 ans et demie, elle fait renouveler son passeport! Elle décède peu avant ses 101 ans, le 8 septembre 1969. Ses cendres ont été transportées à Vârânasî en 1973 par sa secrétaire des 10 dernières années. Elle aura laissé derrière elle une longue bibliographie et de nombreux hommages littéraires ou cinématographiques lui ont été rendus.

Julie

Care

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