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Autant vous avertir. Le bouddhisme au Tibet, c’est lui. On a bien parlé d’une diffusion plus ancienne, à l’époque royale (c’est-à-dire au 7e siècle), soutenue par la grâce de deux princesses mariées au même roi tibétain et dont l’une était népalaise et l’autre chinoise. C’est vrai. Pourtant, peut-on véritablement parler de conversion lorsqu’un pays est encore, dans son immense majorité, fidèle à une religion plus ancienne au shamanisme fortement ritualisé ? Peut-on croire qu’il est suffisant que des rois s’y plient pour faire plaisir aux reines ? Bien sûr que non.
C’est pourquoi tout s’écroule lorsque s’écroule la royauté en 841, empire, puissance, bouddhisme surtout, et qu’il ne reste rien pour nommer le Tibet du siècle suivant pour la bonne raison qu’il n’existe plus.
Dès lors, essayons une comparaison improbable pour tenter d’y voir clair. Imaginez, par exemple, que Frontenac n’ait pas répondu par la bouche de tous ses canons et qu’il ait tout perdu. Voyez-le s’enfuir, le canon bas, pas même vers la France et très loin du Saint-Laurent, par exemple à Kuujjuaq. Voyez ensuite vivoter ses descendants. Et puis, au bout d’un long martyr, imaginez qu’arrive là-bas un sage gigantesque, quelque chose de Thomas d’Aquin, de Descartes ou de Goethe, et que, non content de venir à cette invitation du bout des tables, il sache tout refaire, tout recréer, menant même les successeurs du roitelet hypothétique vers un empire ahurissant de la taille d’une Amérique. Démentiel non ? Et bien Atisha, c’est ça !
L’homme était bengali. À l’époque, le bouddhisme agonisait aussi en Inde. La faute en incombait moins aux raids musulmans qu’au développement fulgurant d’un tantrisme hébété reposant tout à fait sur une sexualité trop séduisante. Atisha, s’il voulait apprendre autre chose que des râles, devait s’exiler. Mais pour aller ou ? La réponse à de quoi scier les jambes. Il partit vers Sumatra ! Cette île indonésienne était alors – au même titre que Java – le centre d’un bouddhisme épuré. Il y resta 13 ans. À son retour, il était l’un des rares du sous-continent indien – sinon le seul – à y comprendre encore quelque chose. Puis Frontenac l’invita. Atisha écrivit pour lui un texte hautement novateur appelé la lumière sur le chemin de l’éveil. Sa densité est telle qu’il tient sur une page, même si le commentaire qu’il ajouta afin d’en expliquer tous les sens en demande quelques centaines. Le Tibet renaissait. Quant au bouddhisme qui n’allait plus manquer de le suivre pas à pas, c’était encore plus fort. Pensez seulement que ce bouddhisme indien qui n’existait alors déjà presque plus et que cet autre dont il ne reste rien sinon peut-être le stupa de Borobudur, sur l’île voisine, on les connaît aujourd’hui encore pour la seule raison qu’un fou merveilleux avait cru bon de mêler le chaud et le froid et que le froid conserve mieux.
Pascal Guillaume
Prochain voyage Tibet/Népal: « Kaïlash » – 9 octobre au 7 novembre 2010
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