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Depuis des années, Darwin avait donc remis les pieds sur ses chères îles britanniques. On ne peut douter qu’il s’était longuement fait la tête à cette révolution qui n’allait pas sans heurt, qui mettait dieu au placard biologique en quelque sorte. Il posait sur sa table, encore et encore, les mêmes cadavres désormais fossilisés de volatiles insulaires afin de s’entêter à reconnaître qu’ils s’étaient bien modifiés indépendamment l’un de l’autre à partir du moment où ils s’étaient trouvés sur des îles différentes et que les conditions de chacune favorisaient certaines évolutions spécifiques aux détriments des autres. Mais voilà, depuis le temps qu’il y pensait, il n’avait toujours rien osé dire. Arrive alors la missive humide d’un parfait inconnu. Il s’agit d’un jeune homme, un peu désargenté, qui s’ébroue depuis quelques années déjà sur les mers australes. Il accumule les îles tropicales de la même manière qu’un tout jeune Darwin accumulait jadis les îlots rocailleux. L’aventure lui permet de répertorier un nombre croissant d’espèces nouvelles, oiseaux lumineux, papillons aux larges ailes ocellées, insectes fabuleux, fleurs incertaines, qu’il se permet de mettre en caisses afin d’arrondir ses fins de mois du bout du monde. Il était à Bornéo, à Sumatra, à Java, à Bali rapidement, à Lombok. Le voilà à Sulawesi (anciennement Célèbes). D’où il s’interroge. Car voilà qu’il a remarqué rapidement ce que le vieux Darwin a mis des décennies à ne pas formuler tout à fait. L’évolution des espèces. La sélection naturelle. Naïvement, le jeune biologiste demande conseil à la seule personne qui pouvait prendre ombrage de cette précocité. À la décharge du vieil anglais, disons rapidement qu’il était peut-être plus simple de faire le lien lorsque deux plaques immenses, l’asiatique et l’australienne, avec des faunes et des flores complètements opposées, venaient progressivement se rejoindre par le biais de milliers d’îles que d’y penser aussi clairement à partir des terres perdues des Galapagos (même si l’on peut aussi s’interroger sur la complexité de s’y retrouver lorsque les espèces pullulent par rapport à un endroit où elles sont rares). Toujours est-il que le vieil homme eut la décence de ne pas prétendre avoir perdu la lettre. Il raconta, sans trop mentir, qu’il était justement sur le point de publier des résultats identiques (comme quoi il n’est pas toujours inutile de se faire pincer les fesses). Il proposa honnêtement d’y placer leurs deux noms.
Le reste n’est qu’une question de distance. Ils ont donc été deux à avoir indépendamment révolutionné la biologie. Mais le premier était à Londres. L’autre était jeune, peu soucieux de revenir trop vite du côté sage du monde. Aujourd’hui, une ligne dite de Wallace sépare encore les faunes asiatiques et australiennes (avec Sulawesi en plein milieu). Quant au reste, il n’y a plus que Darwin à avoir eu raison.
Pascal Guillaume
Voyage Karavaniers INDONÉSIE/SULAWESI «Au pays des Torajas»
Départ le 1ER MAI 2010 pour 23 jours
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