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Où nous réalisons ensemble qu’il y a des visiteurs qu’il vaut mieux éviter soigneusement de recevoir (c’est-à-dire quelques drôles à Bali et un comique au Népal)
Ah… les visites! Qui n’a pas eu ce voisin aux attentions désespérantes qui vous porte du sucre quand vous n’en voulez pas et paraît éternellement attendre derrière la haie que vous sortiez un peu sur votre terrasse pour lantiponner à loisir sur les potins de votre rue commune? Qui n’a pas quelqu’un dans sa famille, une tante éloignée ou un cousin en manque de ritalin, pour lui faire regretter de n’avoir pas choisi Kuujjuaq ou Bogota pour se cacher déjà et peut-être vivre ensuite? Pour tout vous dire, même à Bali on n’est pas assez loin. Vous savez déjà que je me vante suffisamment d’être ce français d’opérette qui n’a jamais vécu là-bas, que je place le mauvais caractère au niveau des vertus et la mauvaise foi comme une qualité, et bien ce français-là a encore l’hilarante malchance d’avoir comme seul voisin dans ses rizières – c’est-à-dire justement au bout du monde – un gaulois véritable pour qui ces valeurs généreuses sont mieux qu’à lui une profession de foi. Imaginez ma tête lorsque je l’ai vu arriver la première fois. Je crois que j’ai pensé déménager, voire revenir au Québec (ce qui est un comble quand on sait à quel point je m’y suis ennuyé). D’accord, il est gentil, il a bon c½ur, il est généreux. Mais il vient tous les jours. Il s’assoit sur ma terrasse et me raconte ses dernières histoires de filles, me redisant à chaque semaine qu’il est amoureux, qu’elle est encore cette créature aussi belle qu’Andromaque et aussi fine qu’Einstein, tout ça pour qu’à la semaine suivante cette gaupe ne soit plus qu’une tarée insipide puisqu’une autre déesse est sur le point de découvrir dans son lit (et avec lui) les secrets de la relativité générale.
C’est l’homme des tolérances zéro. Nous avons un chat qu’on partage et le pauvre nous arrive affamé, tous les soirs, tant le voisin refuse de lui donner des croquettes qui ne sont pas bio, préférant le gaver de riz naturel et de semoule écolo (ce que le chat n’aime pas trop). Une javanaise avait fait l’erreur d’habiter chez lui, il y a quelque temps, et la pauvrette ne pouvait plus manger ses nouilles habituelles pour la bonne raison que notre voisin s’offusquait qu’elles contiennent du MSG et n’avait plus droit d’écouter la télévision sous prétexte que les programmes indonésiens étaient ridicules (ce qui est vrai, et c’est justement pourquoi on les écoute autant). Inutile d’ajouter que cette savante jeune femme est allée manger plus librement ailleurs. Tout ça pour dire aussi que lorsque vous croyez que je me glousse de vous depuis mes chaleureuses rizières, que je parle de canicules lorsque vous vous gelez la tronche en février, que je bénis le calme et l’insouciance, sachez donc enfin qu’il y a aussi cet épuisant personnage pour venir me péter la bulle et vous faire rigoler d’être si bien servi à l’autre bout du monde.Pourtant, il s’agit encore là d’une visite des plus communément ordinaire. Nous en avons eu quelques autres au cours des années. La plus étonnante est peut-être celle qu’a reçue mon frère lors de son premier passage à Bali, tandis qu’il n’était pas habitué aux caractéristiques de l’île et que mon voisin ne sévissait pas encore trop fort dans le quartier. Il habitait une petite maison à cinq minutes de
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