Le Mont Kenya dans les yeux de Vicente

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Le Mont Kenya dans les yeux de Vicente

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Vicente a vécu au Québec, d’origine espagnole, il parcourt notre belle planète et sa langue danse au fil de ses périples. Ne vous étonnez pas si la syntaxe de ses récits se gondole un peu parfois. ..L’art de lire un accent qui chante le voyage…

« Je me trouve encore une fois sur la route, sous la silhouette du Kilimandjaro, un Masai indiffèrent conduit son troupeau de vaches vers l’unique puits d’eau en proximité. La ligne d’asphalte divise deux mondes aussi différents comme le vol d’un marabout et la trace d’un Boeing au ciel.

Je me réveille face à la réalité sous la forme d’un grand bazar de camions de toute taille et couleur. Les vendeurs de bracelets et arachides de dernière minute, aveuglés, le regard triste guidés à la fois par des enfants au regard trop heureux.

Un couple de militaires habillés en kaki des pieds à la tête blaguent et rient sous le poids des fusils automatiques et sans montrer aucun intérêt pour le chaotique trafic des véhicules et personnes que traversent cette ligne imaginaire qui s’appelle frontière.

Je ne peux pas éviter cette curieuse combinaison presque obscène d’innocence d’enfant et des armes autour de tant de vie.

De retour au bus, ma jeune partenaire de siège me surprend avec une question ; « did you manage to get your visa ? », et ma réponse arrive perturbée par des lèvres trop brillantes et une forme trop « voluptueuse ».

Je me pose la question de si la sensualité arrive par la langue Swahili ou simplement pour le peu de millimètres que nous écartent… Définitivement, en Afrique, les sens sont aussi surnaturels que les couleurs !

Nairobi, grande, bruyante et polluée, à peine une ombre de son origine absurde. Village type « Far West » fondé en 1899 par des colons européens à la place d’un croisement des chemins. Assez haut pour éviter les moustiques, assez peu important pour les Masai et stratégiquement située. Mi-chemin entre l’axe ferroviaire Mombasa Ouganda.

Encore une folie de l’ambition humaine.

Aujourd’hui cette importante ligne du train reste couverte de rouille et des slams. Un excellent terrain de jeu pour les nouveaux artistes du graffiti qui s’occupent à décorer des épaves en forme de wagon et des enfants qui jouent à frapper les rails.

Au plus vite possible j’échappe vers « ma montagne » aux hautes terres, mais avec un aperçu imaginaire de ces absurdes courses d’ânes, organisés par l’aristocratie blanche sur l’avenue, appelé aujourd’hui, Jomo Kenyatta. Courses qui étaient parfois interrompues par quelques rhinocéros  fâchés.

À travers la sale fenêtre du « Matatu », j’essaie découvrir les glaciers qui couvrent un sommet que je présume presque irréel et la fin d’un chemin vers le mythe.

Un peu naufragé, je débarque à Naru-Moru plie sous le poids de mon sac a dos.

L’avantage de l’Afrique c’est que jamais il ne faut demander parce que la couleur de la peau fait de invisible communicateur d’information, et ça transmet une nécessité urgente de faire des amis à chaque coin.

…Peut être la technologie sans fil vient aussi de l’Afrique.. ?

À peine quelque minutes après mon arrivée je me trouve accosté contre une sale paroi, pieds sur la boue et protégé de la pluie par un petit toit en tôle. Je discute le prix du transport vers l’entrée du parc, ainsi que la compagnie d’un porteur « légal » donne l’obligation de la Kenyan Wildlife de rentrer accompagné par quelque personne.

Surpris par mon efficacité comme négociateur.. Ce qui ne m’arrive pas souvent étant donné mon handicap mathématique… Tout reste accordé pour le lendemain sans trop de discussion.

Évidemment, à cause du manque de touristes cette année, mon interlocuteur, appelé Stanley, devient raisonnable à mon entêtement à toute épreuve.

Avant la nuit, je fais de nouveau mon sac pour le rendre le plus léger et je prends conscience de ce « raid » de 4 jours par la route plus vite.

Malheureusement, même les rêves ont besoin d’une équation simple et mes variables ne me laissent pas d’option. (Le « pack » plus économique d’entrée au parc sera de 4 jours par Naru-Moru).. j’étais à peine il y a une semaine sur le sommet du Kilimandjaro avec un groupe, donc je devrais y être acclimaté ?..

Par la météo ?.. Insha-Allah !

Dans l’obscurité de la nuit je me rappelle d’un mercredi du fins des ans 80 face à une émission de la télévision espagnole appelée « Al filo de lo Imposible », là un type aux cheveux longs, et inconnu pour moi, grimpaient des falaises de roche et de glace équipés des cordes aux endroits qui me semblaient  trop éloignés ou trop exotiques.

Cette fois ci, la paroi était de glace, extrêmement verticale, l’ambiance mystérieuse entre brume et sommets de roche noire.

Une végétation vert intense entourait le pied de la montagne et un nom resterait dans ma mémoire pour toujours… « Le couloir du diamant » du Mount Kenya !…

Depuis ce moment, l’Afrique prenait forme dans mon imagination comme une mystérieuse montagne qui gardait une beauté accessible seulement pour ces fous de longs cheveux au langage simple et urbain.

Mon rêve venait de naître, et j’avais besoin de voir avec mes propres yeux un jour ce « monde perdu », mais de haut, comme les oiseaux, pour être capable de toucher le mythe.

La pluie n’arrête pendant la nuit et j’imagine le pire, une paroi couverte de neige et inaccessible à mon escalade en solo. J’essaie de ne pas penser et je me concentre dans rien d’autre que arriver au campement de la vallée Teleki à 4200mts le plus sec possible.

D’un coup, les nuages se dissipent sous la magie de la lumière à la tombée du jour. Ce rêve lointain dans ma mémoire se présente devant moi.

Deux sommets noirs, écartés par une étroite ligne de glace lancent vers le ciel. Comme dans mon rêve, une étrange végétation verte entoure le pied de la montagne.

..Le couloir du diamant !.. le Mount Kenya !..

Aujourd’hui cette magnifique ligne de glace souffre les conséquences de la régression glaciale et la difficulté de son ascension est devenu un moderne défi mixte réservé aux maîtres de cette technique.

Parfois, je suis raisonnable, et mon objectif n’est autre que la ligne plus simple vers un de ces sommets, Nelion de 5188mts. Une belle paroi de 300mts, accessible à l’escalade en solo avec une relative sécurité.

L’après midi je découvre ma grande erreur logistique, la traversée du glacier Lewis demande des crampons et …je n’ai pas porté avec moi..

La solution, un grand détour pour éviter de mettre le pied dans la glace. Je me dis que ça doit être bien pour la santé de faire un peu plus de marche…et voilà !

Avec les premiers lumières je m’embarque dans cet « océan » de roche o je suis les lignes assez évidentes déjà utilisées par Eric Shipton en 1929, aujourd’hui route normale de l’hiver.

Je décide, néanmoins de m’encorder au moins 2 longueurs et dans 2heures et demi j’arrive au sommet sous le fort vent et un soleil que me permettre d’observer, sans difficulté, le Kilimandjaro et le Mawenzi bien distants.

Aujourd’hui, je me suix approché un peu plus de ce monde perdu, sur le mont Kenya je me suis senti un peu oiseau, j’ai regardé le monde de haut et un rêve étais accompli.

Au soleil d’une terrasse tanzanienne et de nouveau avec les ombres du Meru et le Kilimandjaro comme horizon, je pense à toutes ces personnes que j’ai accompagnées pour accomplir leurs rêves et je me dis que le bonheur ne se trouve pas vraiment dans le sommet sinon dans la force de volonté pour la trouver.

Dans cette terre rouge, le véritable défi se trouve à arriver à comprendre le rêve de ce Masai indiffèrent, et pour ca, il faut descendre du véhicule et traverser la ligne d’asphalte. »

Karavaniers

Karavaniers

«Un camp de base à échelle humaine, sept à huit spécialistes voyages qui pour la plupart sont aussi guides. Un peu plus de 1000 voyageurs par an... assez pour nous donner les moyens de nos ambitions et assez peu pour nous permettre de rester des artisans du voyage d'abord.»

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