TRANSHUMANCES – Sur les chemins Karavaniers

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TRANSHUMANCES – Sur les chemins Karavaniers

Description réjouissante du désormais « célèbre » trek mythique au sud de Lhassa. Découverte de l’heureuse épidémie. Monastères insulaires sur le lac de Yamdrok

Tibet central : Nous étions dans le vestibule d’une banque chinoise, à Lhassa. Le voyage commençait à peine. C’est alors que le téléphone sonna. C’était pour moi. On m’annonça brutalement qu’une épidémie de yak sévissait dans la région de notre premier trek (certains me diront qu’il faudrait dire épizootie pour être exact, mais bon, on ne va pas en faire une maladie), qu’il était dès lors impensable d’y espérer le moindre survivant pour transporter nos bagages et qu’à moins d’oser demander à mon groupe d’avoir bon dos et patte vigoureuse (ce que j’hésite toujours à faire), il valait mieux chercher ailleurs.

Et tandis que je me dis merde, soucieux de ne pas trop paraître dépassé tant bien même ça commence à bien faire, il me revient qu’on patauge déjà un peu dans la semoule à cause d’un Potala bourriqué qui s’évertue depuis le matin à nous refuser un rendez-vous dont j’ai pourtant les lettres patentes. Ajoutons, pour faire le compte, que j’avais été le dernier à obtenir ma carte d’embarquement pour Lhassa, la veille, à cause d’une corruption de dernière minute qu’on me mettait sur les bras en sachant bien que mon groupe se languissait déjà de l’autre côté des douanes. J’avais tenu bon, mais sans manquer d’inquiéter mes nouveaux camarades qui se voyaient déjà au Tibet sans ce guide imbécile pas même foutu de grimper dans l’avion. Comme quoi j’hésitais à leur dire que rien n’allait trop bien.

Pourtant, un voyageur m’a fait le grand plaisir de trouver les mots justes pour nommer ensuite cette équipée mal embouchée. Il l’appela le trek mythique. Laissez-moi vous expliquer pourquoi il avait raison. Il existe un lac merveilleux au sud de Lhassa (Yamdrok, pour ne pas le nommer) que bien des gens aperçoivent rapidement au moment de le longer depuis la route vers Gyantze. Le reste de cet immense espace liquide, aux bras nombreux, à l’histoire longue, est certainement moins connu que bien des déserts mal explorés. Longtemps, il était interdit. Aujourd’hui, il n’est qu’ignoré. Evidemment, ce genre de randonnée dans des sentiers pas même battus est échevelée. S’il neige, soyez assuré que le campement qu’on espère après le coude de la vallée n’y sera pas et qu’il faudra crapahuter quelques heures de plus. Mais soyez certain aussi qu’il se trouvera des monastères oubliés d’où sortiront des nonnes rigolotes et complices prêtes à grimper plus d’une heure par la montagne afin d’offrir aux exotiques passants venus s’agrandir de leur bout du monde la salutation d’usage de thé au beurre et de sucrerie.

On osera même, tant la magie s’accumule, ajouter des découvertes insoupçonnées. Par exemple, je savais qu’il existait une île reculée sur laquelle le légendaire Guru Rimpoche s’était rincé l’½il devant des dakinis déshabillées et qu’on en avait célébré le souvenir au moment du renouveau religieux, au 16e siècle, par la construction d’un discret monastère appelé Yonbodo. Nous n’allions pas manquer d’y mettre les pieds. Mais je croyais que c’était là le rare exemple d’un temple insulaire. Je me trompais puisqu’il en existe au moins un autre. Presque inconnu. Quasi inexploré. L’îlot oublié est minuscule et se dresse tout près de la côte, ce qui n’arrange personne lorsque l’eau est glaciale. Or voilà que se détache un point sombre sur l’autre rive. Et qu’il s’approche. On se frotte les yeux d’étonnement à observer l’improbable assemblage. Il s’agit d’une barge éblouissante et ronde, d’ailleurs construite grâce aux peaux tannées de quelques yaks n’ayant pas survécu aux précédentes épizooties. Et d’un pilote sans âge, aux rides accentuées, fortement agrippé sur de gigantesques rames. Pour tout vous dire, il y a mille ans l’image aurait été banale. Il y a cinquante ans, elle aurait été inusitée. Aujourd’hui, elle est inespérée. Nous venions de découvrir qu’il n’y a qu’au Tibet que les morts contagieuses sont aussi des bénédictions…

Pascal Guillaume

Karavaniers

Karavaniers

«Un camp de base à échelle humaine, sept à huit spécialistes voyages qui pour la plupart sont aussi guides. Un peu plus de 1000 voyageurs par an... assez pour nous donner les moyens de nos ambitions et assez peu pour nous permettre de rester des artisans du voyage d'abord.»

1 Comment

  • Laurent Gingras et Marie-Ève Lamoureux

    On se souvient très bien de ce voyage… Quelle chance nous avons eu que cette épidémie (NDLR: maladie qui a touché de nombreux yaks qui devaient porter les bagages) nous force à sortir des sentiers battus pour découvrir ces fantastiques paysages que Pascal nous a permis d’admirer! Félicitations à toi Pascal pour tes habiletés de guide et je te souhaite à toi et à tes voyageurs encore de nombreux itinéraires inattendus.

    01/10/2009 at 15:21

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