Chronique du riz qui pousse

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Chronique du riz qui pousse

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Crédit photo – Pascal Guillaume

Où l’on apprend à connaître le franchouillard intempestif d’une certaine chronique des rizières et les trucs nécessaires afin de ne pas trop redouter son savoureux caractère

Je devrais d’abord m’expliquer. Déjà pour ce titre qui n’éclaire pas grand-chose, à moins d’en raconter les petites raisons cachées. Alors, allons-y ! Je m’appelle Pascal. Je traîne autour de Karavaniers depuis les tous débuts, m’évertuant à soutenir avec une mauvaise foi toute française (je vous dois dès maintenant cet aveu qui m’en coûte, car malgré une enfance dans les banlieues pépères de Montréal, j’ai puisé on ne sait où – au grand désespoir de mes parents qui honnissaient la France au point d’en avoir émigré – un assemblage explosif des moins bonnes qualités gauloises, dont bien évidemment une mauvaise foi crasse qui me rend presque fier) qu’il n’y a, au bout du compte, qu’un seul continent véritable sur les cinq qu’on recense pourtant (c’est-à-dire l’Asie) pour la bonne raison que j’y traîne moi-même depuis plus longtemps encore que chez Karavaniers. Ce qui m’oblige d’ailleurs à vous avertir. Il se peut, si le hasard vous pousse vers des routes orientales, que vous ayez – je n’écrirais pas le privilège – du moins le fardeau de me subir comme guide. C’est possible et même probable. Je vous imagine déjà préparer une lettre offensée à Richard (le malheureux fondateur d’une compagnie qui feint encore d’ignorer qu’il n’y a qu’un continent sur terre). N’en faites rien. Il existe divers moyens de m’amadouer, tous plus ou moins licites (j’en ai bien peur). Par exemple le don généreux d’une quantité déraisonnable de sirop d’érable ou l’oubli devant ma tente, un matin de frimas, d’un bouquin obscur vainement introuvable (je vous envoie d’ailleurs la liste si vous insistez). Certains crieront à la corruption. N’en faites toujours rien. Si vous saviez les jeux de mains sous les tables asiatiques, c’est à en avoir les doigts dégoulinants de sirop d’érable. Tandis que vous, grâce au français atrabilaire qui s’en sauce les pattes, vous n’êtes déjà plus surpris de rien. Voilà bien un préjugé de moins, il me semble. Ou de plus, voilà que j’ai un doute…

Ce qui nous donne le sens premier de cette chronique. Irrévérencieuse, caustique quelquefois. Des balivernes quoi ! Rien n’est moins sérieux qu’un voyage. Mais ne comptez pas avec moi pour élever tout à fait la voix (ce qui ne se fait pas, d’ailleurs, de ce côté du monde). Autant vous choquer vous, parce que je crois savoir que vous aimez rire, que de les choquer eux ! Autant dire sans ambages, avant d’aller plus loin, qu’on aime assez l’islam lorsqu’on la connaît et que la chaleur de l’hospitalité avec laquelle on nous rabat les oreilles dans nos campagnes québécoises, c’est là-bas que je l’ai mieux vécu. Et tout ce genre de chose. Mais les petits travers, le drôle d’un indien qui me demande pourquoi toutes les filles des films couchent nécessairement avec l’acteur principal mais que les occidentales en vacances n’en font jamais rien avec lui, ou celui-là qui s’étonne qu’on paye si cher l’avion pour finir tout sale au fond d’une tente, de cela on se tape les cuisses à s’en parler ensemble.

Et puis, autant vous dire aussi que j’habite là-bas. A Bali donc. Que depuis la table d’où j’écris, je vois par la fenêtre (à ce moment même) le riz qu’on repique. Je vois l’ami Jabud qui me fait signe, le dos à l’équerre, et qui voudrait bien que je le rejoigne au lieu d’inventer cette activité d’écrivailleur à laquelle il ne croit pas du tout. C’est à lui qu’on doit notre maison, l’intérieur du toit en joli bois sombre, notre lit à l’ancienne, les portes et les fenêtres. A ce fermier merveilleux, les pieds dans la boue. Alors comprenez-moi, on a beau avoir reçu en sale héritage le pire sang de la France, on n’a pas droit de tout. De balivernes oui. Mais simplement parce qu’elles seront légères, forcément, sur les épaules de Jabud…

Pascal

Care

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